Upper Antelope Canyon, Arizona...
Il m'avait déjà fallu rejoindre Los Angeles par avion. 9000 km de vol. Puis il avait fallu quitter la Californie pour rejoindre le Nevada, passer une nuit dans l'enfer de la ville du péché (Las Vegas). Il avait encore fallu passer par l'Utah pour atteindre enfin l'Arizona et Page, la ville située au bout du Lac Powell, après 540 miles d'autoroute. Le Canyon m'attendait là, au terme de mon voyage. Je ne dirai pas que je n'étais venu là que pour lui, tant je savais que j'allais découvrir des paysages fabuleux dans ce sud ouest américain si réputé. Mais mon petit côté photographe ne pouvait qu'attendre impatiemment de pénétrer dans ce canyon découvert en 1931 par une jeune Navajo. De nos jours, comme toutes les attractions de la région, ce sont ces mêmes indiens Navajo qui vous font visiter les lieux et qui empochent vos dollars.
J'avais tout préparé soigneusement la veille au soir. Matériel photo checké et nettoyé. J'avais vérifié qu'il me restait suffisamment de place sur mes cartes SD car je n'avais encore effacé aucune photo de ses vacances. Mon PC ayant subi deux chutes (oui, 2 !) au cours de ces 15 jours américains, je me méfiais de sa fiabilité et j'avais donc préféré ne jamais formater mes cartes... J'avais même repéré le trajet depuis l'hôtel pour être certain de ne pas arriver en retard au rendez-vous. J'étais sur des charbons ardents...
Après une démonstration de danses navajos pour nous faire passer le temps, il est enfin temps pour les GO de nous amener sur place dans de très gros 4X4. Je me suis payé le luxe de la visite spéciale photographes à 120$ ! Oui, ça pique mais sur le plan graphique, ça vaut le coup donc j'avais déglingué ma tirelire. Le guide est un photographe lui-même donc il nous donne plein de conseils. Nous aurons 2 minutes par spot. Pendant 2 minutes, les Navajos bloqueront les autres visiteurs pour qu'ils n'entrent pas dans notre champ de vision. Car non, contrairement à ce que laissent croire la plupart des photos visibles sur le net, ces canyons ne sont pas vides. Au contraire, ils grouillent de monde. Normal ceci dit. Tout le monde a le droit de profiter d'une telle beauté... Donc 2 minutes pour planter le trépied, faire le niveau de l'appareil, choisir l'angle, régler l'expo et faire quelques clichés en pose longue. C'est chaud en fait. Ca ne laisse que peu de temps pour s'organiser et corriger le tir si les premiers clichés ne sont pas bien exposés !
Nous sommes briefés, nous pouvons enfin entrer dans Upper Antelope Canyon. Les nuages cachent régulièrement le soleil, ça ne me plait guère car nous avons besoin des rayons lumineux pour mettre en valeur les stries d'érosion si typiques de ce canyon. Le boyau n'est pas large, entre 2 et 3 mètres, tout au plus, et nous nous retrouvons environ 30 mètres sous terre. On ne ressent pas la même fraicheur qu'en rentrant dans une grotte puisque nous sommes à ciel ouvert. Mais puisque c'est le mois d'avril et que nous sommes à environ 1300 mètres d'altitude, ben, ça caille quand même ! Le temps de s'émerveiller des ocres magnifiques et notre guide nous installe au premier spot. Nous nous préparons, je déballe le trépied et bim, un rivet explose, l'un des pieds pendouille lamentablement, le trépied est devenu un bipied ! Autrement dit, il est totalement foutu ! Je suis dégouté. Je sais d'ores et déjà que mes photos ne seront plus aussi bonnes car je ne peux pas faire des poses longues à main levée. Donc j'improvise en urgence. Etant donné qu'il fait tout de même très sombre au creux de ce canyon, je monte en ISOs au max de ce que je trouve acceptable sur mon 5D mkIII à savoir 3200. Je descends le temps de pose jusqu'à 0,4 seconde ! A main levée et fixe, oui !!!! Je prends appui sur une paroi pour bouger le moins possible et j'envoie des rafales de 10 clichés pour espérer en avoir au moins un ou je ne tremble pas... Je me suis même mis une fois en tailleur, les coudes sur les genoux, ancré dans le sol pour tenter de ne pas bouger... Ma malchance m'a tout de même permis de varier un peu plus les angles que mes collègues qui avec leurs trépieds intacts, faisaient des poses d'une bonne dizaine de secondes. A quelque chose, malheur est bon...
Le paradoxe de ce tour spécial photographes, bien plus cher que celui des touristes normaux, est qu'il ne nous permet pas d'aller au bout du boyau, certainement parce qu'il n'y a pas de spots suffisamment graphiques ou peut-être encore moins de lumière. Nous restons plus longtemps (plus de deux heures) mais allons moins loin ! A propos de lumière... Nous sommes sur le dernier spot et nous avons tous fait nos pré-réglages mais quelques visiteurs trainent encore dans notre champ de vision. Les indiens les font avancer gentiment sans les brusquer. Mais soudainement le soleil qui s'était caché, perce les nuages et embrase totalement la scène. Nous étions une dizaine de photographes et la réaction a été aussi unanime que brusque et sonore. "Wouah !!!" Puis c'est l'impatience totale qui s'est manifestée. Il fallait que ces visiteurs se barrent au plus vite, pour que nous puissions faire nos photos avant que le soleil ne s'efface derrière un nouveau nuage. "Go away, go away !" C'est à ce moment là que j'ai fait mon meilleur cliché, celui ou dans la poussière de sable qui vole dans l'air, semble apparaître le visage d'un indien navajo et sa coiffe... Un cliché hanté en quelque sorte. Il suffit d'y croire.
Non content d'avoir perdu mon trépied , j'ai également fait une grossière erreur en oubliant de shooter en Raw. j'avais pourtant tout prévu soit disant... Mes ciels sont donc cramés de chez cramés ce qui est logique vu le contraste entre l'ombre et la lumière. Bref, la qualité globale de mes photos n'est pas au niveau de ce que j'espérai. Donc j'y retournerai. Avec un bon trépied cette fois...
Laurent Chauveau
PS : ces fontaines de sable si élégantes qui ornent les photos d'Antelope Canyon sont terriblement graphiques. Mais elles sont également un leurre... Elles n'ont rien de naturel. Ce sont en effet les indiens qui ramassent le sable au sol et le jettent en l'air avec une pelle tout en se planquant derrière une paroi pour qu'on ne les distingue pas. On dit que le magicien ne doit jamais dévoiler ses tours. Mais en l'occurrence, ce n'est pas moi le magicien donc ça passe :)