Porto, idyllique...
En arrivant du Sud par les calanques de Piana, la route est tout simplement magnifique. A tel point que je ne cesse de m'arrêter pour prendre des photos. Puis de repartir. Et de m'arrêter aussitôt pour recommencer. Ainsi de suite. Et soudain, je vois cette tour génoise en contre-bas, perchée sur son piton rocheux devant une baie magnifique. Et là, je me souviens exactement de ma réaction : "Non !..." Un non positif, celui de l'esprit qui se refuse à croire l'image que ses yeux lui transmettent. Non, c'est pas possible que ce soit aussi charmant ! Je suis au-dessus de Porto, le petit port de la commune d'Ota. Et je suis captivé.
Je suis pressé de découvrir cela de près mais je persiste tout de même à m'arrêter pour shooter à chaque fois que la végétation dense m'offre une ouverture. Je fais durer le plaisir. Et puis j'arrive au cœur du village, je tourne à gauche après le pont enjambant la rivière et je descends vers le port. Nous sommes début mai 2021, une année de COVID dont toutes les baraques des compagnies proposant des promenades en bateau dans les calanques sont vides. C'est un peu triste mais je sais aussi que je vais avoir le village quasiment rien que pour moi. Je n'ai pas à subir ce qui doit être une cohue impensable durant l'été… Pour les photos, c'est en fait plutôt cool de ne pas subir la masse… J'arrive au port et le moins que je puisse dire est que je ne suis pas déçu. C'est aussi beau d'en bas qu'en haut. A tel point que je décide en cet instant précis, que je reviendrai passer mon dernier soir en Corse ici-même !
Je crapahute tout autour du port, tente de fixer sur les capteurs, les embruns dans les rochers puis je monte à la tour génoise. C'est beau partout... Au Nord, au Sud, à l'Est, à l'Ouest, devant, derrière, en-dessous. Subjugué... Je parviens tout de même à trouver la seule compagnie ouverte depuis la veille et je me paie donc une découverte sportive des calanques et de la réserve de Scandola, découverte dont je vous ai déjà parlé... Le soir venu, il me faut rentrer pour respecter ce p... de couvre-feu sanitaire et je me prive donc du coucher de soleil sur le port. Tristesse. Mais je sais au moins que je vais revenir. Cependant, rien n'est moins certain que la météo. Que sera-t-elle dans 8 jours lorsque je reviendrai ?
8 jours plus tard, j'ai pas mal de route à faire pour rallier Porto depuis les alentours de Porto-Vecchio. Et puis, je vais encore perdre pas mal de temps parce que ce qui est chiant en Corse, c'est que tu uses énormément ton démarreur ! Start-Stop-Shoot-Repeat.... Le spectacle n'est déjà pas pourri lorsque tu longes la cote Est pour remonter au Nord (mois jolie que la cote Ouest, toutefois, c'est clair.) Il ne l'est toujours pas lorsque tu commences à t'enfoncer dans les terres pour atteindre Corte. Mais lorsque j'atteins les gorges de la Ruda, ça devient franchement très spectaculaire. Start-Stop-Shoot-Repeat... On est au milieu de la journée, il est midi au soleil, la lumière est donc dure mais pas grave, je déclenche, je déclenche... Puis je me sens un peu seul au milieu de nul part lorsque j'atteins les montagnes corses ou je croise plus de cochons et de bovins que de gens. Le temps a d'ailleurs viré au moche depuis que j'ai atteint ces sommets et ça commence à m'inquiéter pour ma soirée à Porto. La longue descente vers Ota puis Porto commence enfin. Je commence à retrouver des paysages me rappelant ceux des calanques de Piana. Le ciel est toujours assez voilé mais quelques rayons de soleil commencent à percer de nouveau. J'ai fait tellement de stops tout au long de cette journée que j'ai mis plus de 10 heures pour faire une route qui aurait du m'en prendre moins de 5. Bon, il faut dire que j'avais aussi refait un détour par la Restonica pour pique-niquer au bord de l'eau et des rochers... Superbe vallée de la Restonica !
J'arrive enfin sur Porto ! Et ce que je découvre me laisse sans voix. C'est bien au-delà de mes espérances. Cela faisait environ trois, quatre jours que, de l'autre coté de l'ile, un vent à décorner les bœufs nous parvenait de l'Ouest. Mais la mer, protégée par les montagnes y demeurait assez calme. C'est tout le contraire sur cette cote Ouest ou se trouve Porto. Là, la mer est exposée de plein fouet à ce vent. Et ce depuis plusieurs jours. Elle est donc bien formée et les vagues viennent s'écraser en rafales incessantes sur les rochers. Vite, prendre ma chambre, vite, débarquer le matériel et vite, se foutre du couvre-feu de 19 heures. Et shooter, shooter, shooter. Shooter jusqu'à l'ivresse. Shooter jusqu'à 20H37, une fois l'astre solaire passé sous la ligne d'horizon. Bordel, que c'est beau ! Il est temps de rentrer, ça fait une une heure et demie que je suis un dangereux délinquant bravant les ordres de nos grands gouvernants... Une chose est acquise : ce soir du 13 mai 2021 est ancré en dur dans ma mémoire. Fabuleux spectacle... Je reviendrai évidemment à Porto mais avec un doute profond : je ne revivrai probablement pas le même spectacle, rien d'aussi féérique. J'espère que la galerie ci-dessous vous permettra d'en découvrir quelques pépites...
Laurent Chauveau